Théâtre : sur les « traces » de Felwine

Article : Théâtre : sur les « traces » de Felwine
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14 juillet 2021

Théâtre : sur les « traces » de Felwine

Devant un public séduit, Etienne Minoungou a présenté « Traces. Discours aux nations africaines », un texte de Felwine Sarr. Sur la scène du Théâtre de verdure de l’Institut français de Dakar, l’acteur a agrémenté le monologue d’une musique de divers instruments, jeudi 27 mai.

En plein air, sous un vent frais, faisant mouvoir habits, foulards et même les bâches noires entourant la scène, les spectateurs commencent à s’installer timidement dans les tribunes du théâtre de verdure du centre culturel de l’Institut français de Dakar. Public principalement européen, quelques Africains sont également présents. Du Cameroun au Congo Brazzaville, en passant par le Bénin, la Mauritanie et le Sénégal, ce sont des couples, de petites familles, des groupes d’amis, des artistes (acteurs, metteurs en scène, musiciens,…) qui ne voulaient en rien manquer ce rendez-vous.

Au menu : Traces. Discours aux nations africaines, des paroles écrites par Felwine Sarr à son ami acteur Etienne Minoungou. Un Minoungou qu’on retrouve sur scène, dans un décor assez obscur, égayé à peine par une petite lumière jaune sur le côté gauche. L’homme s’est bien adapté au style vestimentaire sénégalais, avec un cafetan bleu, bordure bleu-blanc autour du cou, cheveux un peu volumineux, frisant la mode afro, et très bien peigné.

Sur les traces de la musique

Soudain, une douce musique s’échappe de la scène. Annonciatrice du début du spectacle, elle porte l’empreinte de Simon Winse, musicien multi-instrumentiste, originaire du nord du Burkina Faso. Un son qui sonne comme un rappel à l’ordre, en mettant le holà sur les chuchotements entre différents groupes pour laisser place au bruit des arbres, au ronronnement des voitures et aux cris des enfants des maisons environnantes.

Faisant fi de ce monde qui l’entoure, le musicien semble être dans sa bulle. Bien calé sur sa chaise, chemise en wax multicolore, jean et basket, Simon Winse, de petits dreadlocks au vent, joue de son ngoni (Ndlr : instrument à cordes, considéré comme la guitare traditionnelle malienne) différentes mélodies harmonieuses. Instant choisi, à 20h51 exactement, par Etienne pour faire son entrée.

Bien installé devant le pupitre, il dit : « Elle me fut longtemps refusée. Et depuis qu’elle gît à mes pieds, près à s’évanouir et à se dissiper à nouveau, je ne la convoquai qu’avec circonspection. Je dois vous parler ». D’une voix sérieuse, parfois amusée, agrémentée d’un sourire ou même d’une voix grave, Etienne livre ces paroles de Felwine Sarr.

Quand la musique résonne sous le vent              

Éclats de rires, applaudissements, le public conquis réagit ainsi aux différents thèmes évoqué par le spectacle : Situations politiques en Afrique, la jeunesse, le pillage des ressources, une Afrique réduite à un espace sous développé, l’immigration, l’histoire, les langues, les ethnies… Rien ne semble détourner le public de son spectacle. Ni le vent frisquet qui continue de souffler, ni les déplacements des personnes, encore moins l’arrivée des retardataires se frayant un passage à la recherche d’une place assise.

Séduit par les traces !

Roger fait partie de ces spectateurs séduits. Cet originaire du Congo Brazzaville avoue : « Je n’étais pas trop théâtre jusqu’ici. Je n’avais jamais vu ce style de présentation ». Mais à la fin, debout à l’entrée du théâtre de verdure, il montre toute sa satisfaction en citant le passage qui l’a le plus marqué : « Leur orient n’est pas qu’ailleurs, mais c’est aussi ici ».

Tout comme Roger, Lucrèce, béninoise d’origine, est venue prendre un verre avec ses amis. Elle en a profité pour assister à cette pièce, petite robe bleu, debout à côté du restaurant. Elle semble joyeuse en évoquant cette musique qu’elle considère comme « la belle surprise de la pièce ». Pourtant, tout est parti du N’goni (guitare traditionnelle entre la kora et la guitare), de la flûte peul, et du lolo (arc à bouche), mais également cette voix de Winse très captivante. Le choix de cette musique s’impose et s’adapte au cadre. Celui africain, explique Etienne.

Appel plaisant… Traces

 « La pièce était intéressante, le narrateur excellent et j’ai été très séduite par le musicien. J’ai fait des recherches sur lui et j’ai déjà dressé ma Playlist sur Deezer », lance-t-elle d’un léger sourire amusé. La musique, explique Gnima Sarr, artistique compositeur, venue exprès pour la pièce, a porté le texte. La vingtaine, elle ne passe pas inaperçu dans son style original, léger grand boubou blanc, talons hauts de tresses longues chapoté d’un bonnet africain customisé de petit miroirs. Elle dit : « Le texte dans sa globalité apporte sensibilité, du profond, de la dignité et de l’espoir sous un registre très humoristique ». Samantha Trécis, originaire du Congo Brazzaville, est du même avis : « la musique est excellente et très plaisante », mais ce qui l’a séduit, c’est la poésie autour du texte. Elle considère que ce genre d’appel à l’endroit de la jeunesse africaine est très plaisant.

Sous un regard inquisiteur

Assis devant durant tout le spectacle, Felwine simplement habillé, chemise jean et chaussures, fermé à regardé Etienne usé de sa voix, du geste aussi de légers déplacements, dire ces paroles qui sont finalement de lui. « C’est toujours émouvant de voir quelqu’un d’autre incarner des mots que vous avez écrit. De les entendre raisonner différemment dans un autre corps et d’être en mesure d’avoir une distance par rapport à votre écriture », déclare-t-il. Dans ces paroles, on envisage le jour autrement, sortir de l’ontologie de la souffrance, se reconstruire, s’édifier un avenir nouveau. Felwine affirme que le continent africain a les moyens de sa propre liberté.

Sur les traces de L’orient

Pour Etienne Minoungou, c’est important que cette parole soit entendue de part et d’autres. Même si le public est principalement européen, l’essentiel, c’est de raconter notre histoire, ses blessures partagées, et nos frustrations.

Certes, le texte s’adresse plus à un auditorat africain. L’idéal au Sénégal, c’est d’avoir un public plus concerné. Il exprime son souhait et envie de s’adresser aux étudiants de l’université Cheikh Anta Diop, par exemple. « Comme je l’ai fait il y a quelques temps à l’université de Burundi à Bujumbura, face à 2000 étudiants. « Ma foi, c’était chaud ! » parce que c’est vraiment leur problème », lance-t-il. Du même avis, Felwine Sarr confie que ce texte sera traduit en wolof afin d’être conté et compris par tout sénégalais.

« Son orient, c’est ici sur le continent, il s’y trouve sa dignité et sa pleine humanité. C’est à elle de la restaurer, de la cultiver. En le faisant, elle sèmera la conscience neuve pour tous les enfants de Hunan et de Toumai », faisant référence à la jeunesse. Avec cette parole, le spectacle se renferme après 1h sous de chaleureux applaudissement. Laissant comme empreinte, un jeu de lumière qui la laisse éclabousser à gauche à droite et au milieu. Ainsi, il laisse place à un public charmé et une discussion avec l’auteur et l’acteur de « ces paroles ».

Felwine Sarr
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