Mendicité féminine : des femmes aux aguets du luxe

Article : Mendicité féminine : des femmes aux aguets du luxe
Crédit: Fatoumata Bintou Ba
4 novembre 2021

Mendicité féminine : des femmes aux aguets du luxe

Insultées, humiliées, ignorées, elles font le nouveau décor de certains lieux à Dakar. Sans détour les nouvelles mendiantes dans un style plus décontracté se mettent devant les banques, supermarchés, ronds-points ou autres lieux, espérant ses billets fraîchement sortis du guichet ou même un sac de course… la mendicité aux airs du luxe découverte.

et Oups elle tombe

Les larmes aux yeux, elle raconte son histoire. Celle d’une vie meurtrie et marquée par la pitié. Par désespoir, elle tend la main à des inconnus parfois désagréables ou animés d’aucune once de pitié. Dans son voile jaune claire, sans pudeur elle demande de « l’aide ». Tiguida Ba de son nom, essuie par moment son visage, suant,  et noircit par les rayons du soleil . “ Mon mari m’a abandonnée alors que j’étais malade, ma famille m’a tourné le dos et je me suis retrouvé dans la rue » explique- t-elle comme accablée, dans un regard triste. Victime d’un accident cardio-vasculaire depuis qu’elle a terminé d’allaiter son fils vingt an plus tôt, elle a commencé a mendier depuis le mois de ramadan. « Ma propre sœur m’a renvoyée de chez elle, parce que j’étais devenue une charge très lourde», lance-t-elle, avec une bonne dose de colère dans la voix.

A la suite de tous ces événements, Tiguida a décidé de prendre sa vie en main. Boitant d’une jambe, et paralysée de la main droite, elle ne pouvait pas travailler. Ainsi, elle décide de faire la manche : “ J’ai récupéré mon fils et loué une chambre car je ne voulais plus dépendre de ma famille. Ironie du sort, je dépends des gens aujourd’hui mais au moins j’arrive à m’en sortir “.  Mais les débuts ont été difficiles comme le confirme une amie de Tiguida ayant requis l’anonymat. «J’avais honte et surtout je ne voulais pas tomber sur une personne me connaissant. Mais finalement cela m’importe peu maintenant” explique la dame à la forme callipyge. 

Mendicité, sous un regard méprisant

Si elle attache maintenant peu d’importance au regard des autres, c’est que c’est une activité très lucrative à Dakar. Sous un pont, à l’ombre d’un arbre, devant les pâtisseries, les fast-foods, les stations de services, ces femmes sont partout. Certaines délaissant même leur métier pour aller « quémander ». Aujourd’hui les endroits les plus courus pour ces femmes sont les devantures des banques et des supermarchés. A la Cité Keur Gorgui, on retrouve dans un petit périmètre un supermarché Auchan, des agences de la Banque de l’habitat du Sénégal et de la Banque sahélo-saharienne. Sans y faire attention, Tiguida et ses amies passent comme des personnes ordinaires venus faire des transactions comme tout le monde.  A côté des nombreux véhicules stationnés sur un parking, elles sont assises, « normalement » vêtues, l’une dans un grand boubou, l’autre avec une marinière, ou encore en taille basse, devisant tranquillement. De temps à autre, elles jettent des coups d’œil furtifs  et n’hésitent pas à interpeller les conducteurs.

Mendicité au goût amer

Sans aucune pudeur, ces trois femmes dévoilent les secrets d’une vie cachée, la mendicité. “On est désespéré tout simplement. J’ai divorcé de mon mari, il est parti et m’a laissée avec les enfants. En plus de cela, c’est honteux d’être debout là chaque jour. Les gens surtout les femmes n’ont aucune considération pour nous”, lance l’amie de Tiguida.

Khady Seck, la troisième du groupe, a quitté Guédiawaye. Grand boubou orange sur un physique d’une certaine corpulence, son teint noir s’illumine au contact des rayons. «C’est la première fois que je viens ici», murmure-t-elle. Officiellement, elle est venue pour chercher du travail. Mais comme ses amies et «collègues», elles ne cessent d’interpeler  les gens qu’elle croise : « Monsieur, Madame aidez-nous, s’il vous plait. On n’a rien laissé à la maison ».  La cinquantaine bien sonnée, elle assure avoir la capacité de travailler, en qualité de ménagère ou même lingère. Troisième femme d’un mari devenu trop âgée pour travailler et subvenir à leurs besoins, elle confie d’une voix assurée : “ Tiguida m’a conseillé de venir ici, surement j’aurais plus de facilité à trouver un emploi comme je suis âgée et que j’ai perdu tous mes papiers ». 

crédit photo: Fatoumata Bintou Ba

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